Il y a 4 ans, Priscilla Telmon part d’Hanoï, là où Alexandra David-Neel avait été cantatrice, direction Lhassa au Tibet, pour arriver au Bengale. « Entre temps, un peu de marche. » 5000 kilomètres de marche. A 31 ans, ce n’est pas sa première aventure. Ses périples ont commencé bien avant dans les livres de la bibliothèque familiale. Une rencontre la foudroie : les récits de voyages d’Alexandra David-Neel. « Moi aussi je le ferai. » elle a 14 ans.
Priscilla court, court. D’habitude, elle marche loin et longtemps. Mais nous sommes à une semaine de l’exposition Himalayas où elle donnera des conférences (Musée Branly) puis ses photos seront exposées au MK2 Bibliothèque. Son livre de photos vient de sortir. Et elle vient de déménager, ce qui est très stressant même pour une exploratrice comme elle.
Priscilla, jolie femme chaleureuse, a le regard de ceux qui ont vécu en communion avec la nature. L’exploratrice, réalisatrice et photographe (entre autres), a les gestes de ceux qui ne vous donnent pas la main, machinalement, mais pour vous transmettre toute leur empathie. (J’ai croisé une fois ce regard. C’était avec Suzanne Flon. Quand on rencontrait la comédienne, il se produisait une chose étrange : c’est vous qui d’un seul coup, deveniez important. Elle avait le pouvoir de vous mettre dans la lumière par un simple mot, une question, une attention. En bref, elle s’intéressait à l’autre. Etonnant d’une actrice, non ?)
Priscilla n’a pas hérité du chromosome « voyage ». Son père, éditeur et sa mère, peintre sont plus des intellectuels curieux du monde en chambre que marcheurs de grands et lointains chemins. Ils sentent que le besoin d’ailleurs de leur fille, « malheureuse de Paris », n’est pas une simple lubie de jeunesse rebelle. Ils la laissent partir en camp, au Canada pour construire des cabanes à 11 ans.
Plus attentive à la course des nuages qu’aux paroles des professeurs, Priscilla « trépigne » de découvrir l’école de la vie. Pour « être tranquille », elle passe son bac et passe un DEUG d’ethnologie puis suit des études d’ethno-médecine (médecines douces) par correspondance. Le virus du « voir en vrai » le monde, la titille. « A 19 ans, elle frappe aux portes des rédactions. Le Figaro magazine lui fait confiance. Elle partage son temps entre missions humanitaires et reportages.
Les études théoriques ne sont pas pour elle. Elle apprend sur le tas, très vite, du journalisme à la photo en passant par le cinéma, « on ne peut prendre de mauvaises habitudes puisqu’on n’en a pas. » Elle va de découvertes en découvertes, rencontre des fondus des grands espaces, comme SylvainTesson. Tous les deux partent pour 3000 km dans les steppes, à cheval, alors que l’un et l’autre ont une vague expérience du « manège dans la forêt de Rambouillet. Sept mois en Asie Centrale. Quelques temps plus tard, après d’autres émissions de télévision et d’autres reportages, elle sent que le temps est venu de partir pour le Tibet. Elle ressent le besoin de voir la situation actuelle de la région, d’évoquer aussi le périple de la solitude. « Le voyage a grandi » en elle, sans y penser.
La préparation est courte. Le superflu est vite éliminé, il faut être léger et essayer d’éloigner le risque et le danger. Dans le sac, le plus important et le plus lourd: le matériel photo, caméra, pellicules, une tente de 1kg « pour les tempêtes de neige », un sac de couchage, un change et voilà. Elle emporte aussi de la poésie et des cahiers en papier de riz, pour plus de légèreté, pour écrire. « Sinon les pensées s’emmêlent ».
Et puis on marche. Un pas après l’autre, un kilomètre, puis deux. 50 et 100, on trouve son rythme. Puis le corps ne peut plus s’en passer et on avance sans s’en rendre compte. Ici pas de record. « Il faut être endurant et caméléon. » Plein nord, puis plein ouest et plein sud. Et voilà ! Cela semble si simple. « Tu vis avec les pèlerins, les muletiers. Le moindre moment est dense. Cela fait vieillir beaucoup. On ressent l’intensité de la vie, très fort. »
Priscilla ne dit pas « je » en décrivant ses sensations, mais « tu ». Comme si nous aussi, nous étions en chemin avec elle. « Tu pardonnes, tu réfléchis, tu es en communication avec la nature. Quelquefois, la grâce est là au détour d’un chemin. » Elle est fière de garder la capacité de l’enfant qui s’émerveille d’un rien. « La marche est un travail de recueillement, une démarche d’être dans le dépouillement, de vivre l’instant. L’esprit, le cœur et l’âme sont plus alignés. Je me sens plus ancrée dans la vie. »
Priscilla se nourrit de ses expériences pour devenir « l’être le meilleur ». Elle emprunte la vie des gens qu’elle rencontre et que c’est aussi pour ça qu’elle a besoin de temps. Pour connaître, pour comprendre, pour vivre. « Je suis dans la lenteur. » Elle se dit « exploratrice du monde et des êtres. N’est-ce pas le plus beau métier du monde ? »
Elle termine l’entretien par les mots d’un auteur. Encore un : « Il y a plus de merveilles en ce monde que n’en peuvent contenir tous nos rêves. » (Shakespeare, Hamlet)
Découvrez une partie de ces merveilles avec le livre:
Himalayas: Sur les pas d’Alexandra David-Neel, Actes Sud
Mercredi 29 décembre, à partir de 14h30 en dédicace à la librairie Musée du Quai Branly dans la cadre de la semaine « L’Himalaya des aventuriers » Conférences le 26 et le 30 à 16h http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/les-vacances-de-noel-en-himalaya.html
http://www.priscillatelmon.com/newpris/agenda/expositions/
Exposition au MK2 Bibliothèque du 19 janvier 2011 au 30 mars 2011 Paris 13e.
La chevauchée des steppes, Robert Laffont Sylvain Tesson et Priscilla Telmon