Interview de Thierry Marx, côté coulisses et côté scène: « Je ne suis pas un casseroleur normal »

Tiens, me dis-je un jour en passant rue Saint Honoré, Paris 1er, c’est là le Mandarin Oriental? Intéressant comme réflexion. C’est un endroit dont j’ai entendu parler mais où je n’ai pas été invitée pour son inauguration…pff. Alors que je faisais partie des invités du Fouquet’s, pas un soir d’élection, invitée lors de l’inauguration de l’hôtel Fouquet’s par Sophie Marceau que d’ailleurs je n’avais même pas reconnu. Mais c’est qui cette nana si grande et si bien habillée qui coupe le ruban?…c’est dire si mon 6e sens de journaliste était en éveil.
Bref, Le Mandarin Oriental, premier des palaces chinois à s’installer à Paris, (après le 13e, le 11e, les restos japonais, si, si ils sont tenus par des chinois, les pressings, les retoucheurs, sus aux palaces), fête en juin son premier anniversaire. Belle occasion d’aller le visiter et de demander une petite interview au responsable de la restauration, Thierry Marx, chef Top Chef et connu comme chantre de la cuisine expérimentale dite moléculaire.

Avant toute chose, je dois  visiter les lieux accompagnée de l’attaché de presse charmant. J’essaye de me trouver un look potable qui s’accorderait à l’endroit. La journée est pluvieuse, j’arrive donc dégoulinante, qui plus est,  en baskets puisque je ne peux toujours pas mettre de souliers corrects du fait que ma fracture de janvier accuse  « un retard de consolidation »… ( juste du retard, je ne dis pas qu’il n’y en a pas, m’affirme le chirurgien. Et à partir de combien de temps on peut penser que  « retard » fait place à « pas » de consolidation? mystère)

Je sors mon calepin, pose le parapluie (dont une baleine a sauté, chic!) à la réception et suit Guillaume. La moquette est super épaisse, on sonne deux fois, on frappe en annonçant « service », « au cas où la chambre serait occupée », m’explique mon cicérone. Ben je veux, s’agit pas de tomber sur un DSK même asiatique poursuivant la femme de chambre…chambre dont la plus petite fait 39 m², m’informe Guillaume. Je m’extasie raisonnablement, « C’est correct ». Je n’ose pas lui avouer que mon studio fait 39m² et contient en entier ici…

« Passons aux suites »: faisons cela, j’entre en terre inconnue. Duplex, salon, taffetas, soie, salle de bains splendide avec télé dans le miroir, produits Dyptique exclusifs, terrasse plus grande que mon studio (c’est mon unité de mesure)… Le Spa aussi vaut le détour, blanc immaculé et piscine longée par un mur animé où des papillons s’ébattent.  « Le programme de votre appareil de musculation peut être enregistré et vous le retrouvez dans un autre Mandarin Oriental. » C’est chouette. Les accrocs de la performance et les voyageurs de l’extrême ont comme ça l’impression d’être toujours au même endroit.
Nous jetons un oeil sur le bar au comptoir monumental, dont la déco répond au thème bucolique de « forêt après la pluie ». Pas mal rendu par une vision abstraite de la chose avec du cristal Lalique sur les murs. Fontaine à Champagne, cocktails…

Nous jetons un oeil au Sur Mesure, restaurant de Thierry Marx. Des convives à la table de 6 sont encore à table. Bravo, 15h c’est comme ça qu’on bosse. Sûrement une table d’affaires. Il y a plus d’hommes que de femmes. Un deuxième oeil au jardin, un troisième au Camélia, autre restaurant, et au comptoir de desserts ouvert au public s’il vous prend une envie de gâteaux sur le chemin. Je m’extasie sur les desserts. 15h, bonne heure pour un quatre heures.  Mais pas de proposition malhonnête de l’attaché de presse. Je reviendrai et je me baffrerai un Saint Honoré un de ces jours.

Interview côté coulisses:

Rendez-vous pris avec Thierry Marx pour une interview par téléphone: « 11h, on vous appellera.  »
11h le téléphone fixe sonne. Enfin l’un de mes 3 téléphones. J’ai une ligne France Telecom et une de mon opérateur internet. Je n’ai pas encore sauté le pas du dégroupage. Sans compter le téléphone portable, bien sûr.

Nous débutons l’interview, tout va bien. J’évite le sujet chef médiatique et chef chimique. Je ne suis pas très adepte des entretiens par téléphone, mais j’avance tout en jetant un oeil sur ma montre. 20 mn ont été prévues. Je sens vibrer mon portable. merde, il va sonner dans une minute. Il sonne. Je l’interromps. Ouf, mon interlocuteur n’a rien perçu.

driiiing. Merde, l’autre téléphone fixe que j’essaye de faire taire. Mais la sonnerie continue. Je jette le combiné à l’autre bout de la pièce (de 25m²) qui sonne toujours, vu que c’est la base qui sonne. Et j’entends dans l’appareil:  » je ne vous entends plus. Il y a un problème? » Alors que j’évite de piétiner le combiné rageusement pour que cette P…de sonnerie s’arrête, je dis: « j’essaye de couper les téléphones. » Et là j’entends: « il suffit peut-être de les décrocher… »

Non, tu crois? C’est vrai il a raison, j’aurais dû les décrocher avant, mais je n’y ai pas pensé. Je ne me laisse pas démonter et je réplique: « certainement mais ces téléphones là ne se décrochent pas! »; Ce sont des téléphones venus d’ailleurs qui font ce qu’ils veulent, ah mais.
Nous avons continué la conversation, parlé philosophie de cuisine, de vie, …seulement interrompu par la sonnerie de la porte d’entrée, ma femme de ménage venait récupérer un sac qu’elle avait laissé, la routine. je ne me suis pas interrompue pour si peu et tout en posant mes questions et écoutant ses réponses que je ne pouvais noter, j’ai appuyé sur l’ouverture de la porte. Une femme fait toujours plusieurs choses en même temps c’est connu.
Thierry Marx n’a pas à se plaindre, j’ai fait pire avec Pascal Bruckner. Entre le micro de mon magnéto que j’avais oublié et la pile du même magnéto qui doit toujours être sous son canapé et ma sortie où j’ai confondu la porte d’entrée avec la porte de sa chambre.

A un moment j’ai cru que Thierry Marx allait me parler comme Eric Cantona « Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est parce qu’elles pensent que des sardines seront jetées à la mer » car en féru de philosophie asiatique, le chef m’a dit: le jour où on a les poings serrés, c’est la dernière heure », jusque là ça va, je suis, mais à  » on ne jette une pierre que sur les arbres qu’on détruit », … je doute davantage.

Lisez plutôt l’interview:

Interview (côté scène), ci-dessous:

Contrat rempli pour Thierry Marx, responsable de l’ensemble de la restauration du Palace avec les deux étoiles accordées par le guide Michelin au restaurant « Sur Mesure ».

Mais le chef, féru d’arts martiaux et de sagesse orientale, n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers que ce soit dans son métier ou dans sa vie. Il aime les rencontres, les expériences et les défis.

Pourquoi avoir choisi de quitter le restaurant château Cordeillan-Bages ?

J’ai choisi de quitter le village de Bages pour plusieurs raisons : il m’a semblé d’abord que j’avais fait le tour de ce que je pouvais faire. Puis je n’étais pas non plus chez moi bien que j’étais partenaire. Mais surtout je sentais que je risquais de m’endormir. Pour un homme, au sens le plus large du terme, le plus dangereux c’est la zone de confort. Et j’avais envie de retourner en Asie.

Pourquoi ce continent vous attire-t-il ?

J’ai passé cinq ans de ma vie au Japon, un an à Bangkok, j’ai travaillé à Hong Kong,… j’ai un attachement particulier à ce continent asiatique. Grâce à toutes ces années passées là-bas, je peux comprendre l’état d’esprit de l’Asie et aussi du Mandarin Oriental.

Ce projet est venu au moment propice ?

On peut dire qu’il est bien tombé. Mais je pense aussi à la force de l’attraction : des choses arrivent quand on s’en donne les moyens. Ce projet professionnel m’a été proposé puisque j’avais déjà travaillé pour le Mandarin Oriental à Hong Kong. C’est un groupe qui place surtout l’humain au centre du débat que ce soit pour les clients ou les collaborateurs. Il existe des standards, des procédures qui font que les collaborateurs se sentent heureux. C’était un aspect important pour moi.

Etes-vous satisfait de cette année passée ? L’objectif était de s’implanter en France et d’avoir une image reconnue. Nous avons bien sûr fixé d’autres objectifs pour que le site soit dynamique et innovant. Je ne suis pas tout seul à décider, il y a une équipe et aussi un groupe de Hong-Kong qui est là pour nous aiguillonner ! Contrairement à ce qui a pu être dit l’argent n’a pas été donné sans compter. Il y a des budgets à respecter mais j’ai toujours eu une vision claire de ce que je voulais faire ici : trois univers complémentaires.

Vous êtes responsable de toute la restauration y compris du room service.

Tout ce qui se mange et se boit au Mandarin Oriental me concerne. J’ai la responsabilité de trois univers différents. Je m’implique dans les trois univers. Le Camélia qui est ouvert sur le jardin et la nature c’est une expérience. Il y a aussi l’expérience du bar plus minérale et l’expérience du Sur Mesure qui est un peu conçu comme un vaisseau spatial, quelque chose qu’on n’a pas vu ailleurs.

Le Camélia à une cuisine lisible bien que très contemporaine. Il est surtout ouvert de 7h à minuit et on y maintient la même qualité tout au long de la journée. J’avais envie que suivant ses envies et son humeur et aussi son mode de vie on puisse se restaurer. Que ce soit une personne jet-laggée, un touriste décalé, des cadres en afterwork ou des femmes pour le thé .

Je voulais qu’il y ait une certaine liberté et donc une adaptabilité à tous les modes de vie. J’ai de grandes ambitions pour ce restaurant avec un rapport qualité prix de 45 € à déjeuner. Ce qui pour le quartier est un prix abordable.

Même le room-service équivaut pour moi à 138 restaurants pour 138 chambres. Quand on loue des suites à 20 000 €, il est normal de pouvoir s’attendre à un room service comme on le souhaite.

Vous ne privilégiez pas le restaurant Sur Mesure qui est un peu votre signature par rapport au Camélia plus traditionnel ? Pour moi il n’y a pas de conflit entre la cuisine traditionnelle et la cuisine moderne. C’est un choix d’envie. Un après-midi, vous désirez un gros gâteau, un soir, un plat traditionnel, entre amis, une table gastronomique. C’est l’envie de rencontrer un certain univers qui vous fait choisir sur le moment. La cuisine s’adresse aux gens curieux et éclectiques.

Vous avez vécu des expériences très diverses, de l’enfant de Ménilmontant qui désirait devenir boulanger, au jeune homme engagé dans l’armée qui découvre les théâtres de guerre au Liban, en passant par la pratique des arts martiaux. Pourquoi ce choix de la cuisine ?

La cuisine est une démarche holistique. C’est un véhicule extraordinaire pour traverser tous les traumatismes. Je ne suis pas un « casseroleur » normal qui n’est là que pour nourrir les gens.

Cela crée des relations avec l’autre. Pour moi cela m’a permis de rencontrer du monde et de vivre en paix et aussi d’ouvrir des écoles d’insertion. Tout comme les arts martiaux ne sont pas qu’une histoire de bagarre. Pour moi, ce sont des affûteurs d’âme, c’est une façon de vivre avec du bon sens. S’il y a conflit, ce n’est un combat qu’entre vous et vous.

J’aime que les collaborateurs soient heureux. S’ils décident de partir parce que nous avons deux étoiles et qu’ils peuvent se vendre mieux, c’est très bien. Ils seront remplacés. C’est une spirale dynamique. Pour moi le restaurant est plein. j’en suis heureux. Bien sûr, ce n’est pas parce que les églises sont remplies que cela prouve l’existence de Dieu…

Certaines personnes viennent ici avec l’idée d’en découdre, de critiquer systématiquement. Je ne suis pas dans cette démarche là. Comme disent les Chinois : « le jour où on a les poings serrés c’est la dernière heure ».

Chambre de 945 à 20 000€ 251 rue Saint Honoré, Paris, 1er Réservations Sur Mesure : 01 70 98 73 00 Récompensé de 2 étoiles par le guide Michelin, il faut attendre deux mois en soirée pour occuper l’un des 42 couverts. Menu déjeuner 75 € pour 5 plats, le soir 145€ pour 6 plats ou 185€ pour 9 plats. Fermé dimanche et lundi.
Réservations Camélia : 01 70 98 74 00

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