Ariane Mnouchkine a choisi la tragédie de Shakespeare, Macbeth, pour son nouveau spectacle « comme elle est actuellement jouée au Théâtre du Soleil » depuis le 30 avril 2014. Une mise en scène brillante et théâtrale pour les 50 ans de la troupe. Courrez c’est différent!
Aller à la Cartoucherie est une aventure, une expérience, une joie. D’abord il faut s’y rendre. Ce n’est pas insurmontable. Il suffit de prendre le métro, le bus ou sa voiture pour changer d’atmosphère et se mettre dans la peau du spectateur d’un spectacle qu’on aimera ou pas mais qui est quelque chose que vous ne verrez pas ailleurs. A l’extérieur , sous les arbres, de grandes tables attendent les convives. La nourriture terrestre fait partie du package: bon plat simple à 8€ (patate douce, salade, légumes en feuilles de brick), bon verre de vin à 2€, vous voilà calé pour aborder presque 4 heures de show. A la porte du théâtre, Ariane est là, souriante, heureuse de deviser avec les jeunes, les anciens, les curieux. Vous entrez dans le grand foyer et vous voilà embarqué sur le bateau du théâtre du Soleil. Des affiches des diverses versions de Macbeth, la librairie, le comptoir du bar, des tables, des bancs, c’est une ruche qui bourdonne et chacun, comédien-serveur ou spectateur est une abeille.
Il est temps de prendre place. Sous les gradins, les loges à regard ouvert, dévoilent des portants de dizaines de costumes, des tables de maquillage… vous voyez tout de la préparation et pourtant le mystère du théâtre est gardé.
A un rang, Ariane Mnouchkine est à sa table de mise en en scène. Le spectacle vient de débuter, il y a encore à caler, à revoir, à peaufiner. 40 comédiens à diriger et un ballet de multiples changements de décors à régler, cela demande un temps de rodage. La metteuse en scène va gratter du papier, noter, souligner, tout en suivant le texte au mot près sur son grand classeur durant tout le spectacle.
Que la pièce commence. Un champ. Un champ de bataille. Des hommes en semblant d’uniformes d’aujourd’hui. Macbeth est vainqueur. Mais de vieilles femmes (les sorcières) lui prédisent qu’il sera roi et Macbeth bascule. Il n’a qu’à tuer Duncan, son roi, faire porter le chapeau à ses fils et on le couronnera. Lady Macbeth l’y pousse, le précède même dans cette ambition, ce carnage qu’ils vont déclencher. Rien ne pourra l’arrêter, rien ne pourra les sauver de cette rage meurtrière. Le roi sera couronné mais la folie prendra le pas sur la raison perdue depuis longtemps. Mais des hommes, des résistants, des fidèles, des loyaux, reprendront les rênes et redonneront espoir en la nature humaine.
Ici pas de chaudron, mais un portable pour connaitre les prophéties par mail. Pas de château mais un intérieur petit bourgeois avec télé et canapé. Le retour des vainqueurs se fait sous les flashs des photographes, avec une conférence de presse et un plateau de petits fours. Macbeth est un petit, un médiocre, il ne pense pas, il tombe dans le maléfique et comme vendant son âme au diable, il ne pourra revenir vers le bien. Les innombrables changements de décor d’une rapidité surprenante sont un spectacle en eux-mêmes. On passe d’un champ de bataille à un salon, d’une serre à une réception, d’une écurie (avec des chevaux) à un jardin…on en oublierait presque le texte.
Le texte traduit par Ariane Mnouchkine garde sa force (au contraire de celui d’Othello au Vieux Colombier) et son sens. Moderniser ce n’est pas simplifier. C’est adapter, approcher, polir les sentiments qui sont de toutes les époques à nos moeurs et notre temps, pour transmettre la force d’un message toujours d’actualité.
Au début, je ne suis pas rentrée tout de suite dans le spectacle. J’ai même été un peu déçue.
Mais emmenée par la mise en scène, j’ai balayé les doutes comme les pétales de roses rouges semées sur la scène et je me suis laissée entrainer dans la folle cavalcade des comédiens, des errements des personnages et des tourments des héros jusqu’à la victoire du bien sur le mal.
Ariane Mnouchkine imprime à ses spectacles une démesure, une imagination et s’autorise tout. L’absurdité, la grandiloquence, la simplicité, l’effet comme cette tête ensanglantée lancée à la foule, l’humour et même le burlesque. Si tous les acteurs de la troupe ne sont pas encore au diapason, les rôles principaux relèvent le gant avec panache: Nirupama Nityanandan, lady Macbeth, Serge Nicolaï, Macbety, Duccio Bellugi-Vannuccini, Malcom, Maurice Durozier, Duncan. Je relèverai parmi toutes les scène, la merveilleuse scène du portier qui en deux minutes fait rire aux éclats les spectateurs et révèle une nature, celle de Eve Doe-Bruce.
Photos Copyright Michèle Laurent