Les théâtres parisiens n’ont pas encore baissé le rideau pour cet été. N’ayez pas peur si vous restez dans la capitale en juillet et août, des pièces juste pour la saison seront à l’affiche. En attendant des pièces nouvelles de fin de saison sont proposées et elles valent le détour.
Pour rire: Un amour qui ne finit pas au théâtre de l’Oeuvre d’André Roussin, mise en scène, Michel Fau. Michel Fau a toujours le chic (et du chic) pour donner à une pièce un lustre, un point de vue décalé ou atypique. Ici il replace la pièce dans les années 60, date de sa création avec un code couleur décor noir et blanc mi-moderniste mi-bourgeois, des costumes dans les mêmes tons avec un zest de Courèges côté cour et ultra bourgeois côté jardin. Et oui la scène est divisée en deux suivant les deux couples en lice. Nous avons Jean marié à Léa Drucker, (épatante), qui s’ennuie. Il rencontre Juliette et flashe. Il a trouvé celle avec qui l’amour ne finira jamais puisqu’elle sera toujours avec lui dans ses rêves. Il lui écrit mais ne lui demande rien. Un peu étonnée par ce discours, Juliette qui aime son mari (Pierre Cassignard) accepte. Elle trouve ça charmant. Son mari, moins. Il se sent menacé, prend peur et va mettre ce fragile équilibre en l’air avec l’aide de la femme de Jean. Cette pièce est un petit bijou. Ni boulevard, ni drame, la pièce bien écrite, est plutôt une comédie sur l’amour. Les comédiens sous la direction de Michel Fau tirent toute la saveur des répliques. Car ici tout est dans le jeu. Et si vous avez une petite faim avant ou après le spectacle dans la rue en face , Le Béguin est un bistro super bon. Terroir et produits frais. Accueil agréable et bonne ambiance. Produits de la Maison Conquet de l’Aubrac dont un saucisson au camembert succulent.
Pour sourire: Open Space conçu et mis en scène par Mathilda May revient au théâtre de Paris. Plongée dans l’univers du bureau open space. Chaque rôle est typé: la sexy bruyante, le beau gosse, le patron, … sous fond de photocopieuse et machine à café. Ici les comédiens ne parlent pas, ils emploient un langage universel, celui du corps et de l’intonation et de la bande-son calée à la seconde près. Ils sont formidables. J’ai été plus bluffée par leur jeu que par les situations elles-mêmes qui personnellement m’ont plus fait sourire que rire, même si le spectacle est truffé de trouvailles.
Pour s’émouvoir: Les Heures souterraines au théâtre de Paris salle Réjane. Anne Loiret qui joue également, avec Thierry Frémont a adapté le roman de Delphine de Vigan. Deux êtres perdus, fatigués, ne sachant plus trop comment vivre, déçus aussi par les autres, se croisent. Ce sont deux monologues qui s’entremêlent tandis que les héros, solitaires, se frôlent. Si le début tarde à nous emmener, la pièce prend plus d’intérêt au fur et à mesure et que les spectateurs espèrent que ces deux là se trouveront. Les comédiens sont dans leur rôle mais la mise en scène, à mon goût est un peu froide.
Pour pleurer: La Maison de Bernada Alba de Federico Garcia Lorca mise en scène Lilo Baur à la Comédie Française est une merveille.
Que dire sinon que ce spectacle est magnifique. Tout est parfait, des comédiens au décor, de la musique à la mise en scène… Bernarda Alba est veuve. Femme de fer, elle impose à ses cinq filles de 20 à 39 ans, 8 années de deuil . Chez elle il ne faut rien montrer, ni joie ni peine et il faut être irréprochable vis à vis des voisins. Toutes ces femmes y compris la grand-mère un peu folle et les servantes subissent ses diktats. Un homme va se glisser dans cette société de femmes où les émotions sont écartées au profit de la bienséance, faisant exploser les apparences. Il demande la main de l’aînée, celle qui est riche mais tandis qu’on prépare le mariage, il séduit la plus jeune, exaltée et amoureuse. La tragédie est en place. J’avais peur que la mise en scène soit froide mais elle est chaude comme la braise. Cette pièce est faite de chair et de sang et la mise en scène nous plonge dans cette atmosphère. On sent la chaleur, on voit la poussière, on appréhende l’orage et on suit les corps qui s’enlacent sur un merveilleux pas de deux. On rit aux élucubrations de la grand-mère pas si folle et on tremble à ce qui ne peut manquer d’arriver. A la fin l’émotion m’a surprise. Cette pièce écrite en 1936 est glaçante. La condition des femmes de ces années là fait froid dans le dos mais est-elle si différente aujourd’hui tout près de nous? Cela ne dure qu’une heure 40 jusqu’au 25 juillet.