Spectacles bavards: que de fumée

Deux pièces: l’une enfume littéralement le public mais pas que, l’autre l’enfume dans le sens où il y a le décorum, les acteurs, la mise en scène, l’écriture…tout ça pour rien. D’un côté Le Cas Sneijder au théâtre de l’Atelier qui est réussie malgré les longueurs, de l’autre Honneur à notre élue au théâtre du Rond-Point, sans grand intérêt.

Que font les metteurs en scène de talent du théâtre public quand ils n’ont plus de théâtre à diriger? Ils s’encanaillent au théâtre privé qu’ils raillaient jusque là. Ils ne vont pas n’importe où non plus, Le théâtre de l’Atelier est un spot très couru, un endroit où l’on peut monter une pièce de qualité sans se compromettre.
Didier Bezace est de ceux-là. Orphelin du théâtre de la Commune d’Aubervilliers où les parisiens dotés d’intellect dramaturgique (ça ne veut rien dire mais on comprend quand même) osaient s’aventurer, joue et met en scène Pierre Arditi dans Le cas Sneijder.

C’est une belle pièce, Pierre Arditi y incarne un homme blessé dans sa chair et dans son âme qui essaye de se raccrocher à la vie en promenant des chiens au grand air et en essayant de comprendre comment l’ascenseur qui a tué sa fille a pu se décrocher, Pierre Arditi est doublement sur scène: sur le plateau, il donne à son personnage de la chair, traînant sa carcasse et sa peine. Il est là également en voix off pour nous livrer ses pensées lucides et réflexions souvent drôles et décalées sur ses proches mesquins  qui l’entourent.
Nous sommes dans sa tête, dans sa folie. A moins que ce soit lui, de tous les personnages, à être le plus sain d’esprit.
Le décor est très réussi avec ses portes qui s’ouvrent et se ferment sur des lieux et des situations différentes. Pierre Arditi, parfait de sobriété forme avec Didier Bezace en avocat sensible, un duo intelligent et crédible. Leurs scènes sont habitées.
Transposer un livre au théâtre est complexe. Si la mise en scène est réussie, l’adaptation n’échappe à des longueurs qui alourdissent la pièce. Tout comme l’emploi de la fumée à outrance. Elle sert à quoi? A souligner l’état de brouillard dans lequel se trouve le personnage? Pour l’esthétisme? Une fois, deux fois bon mais là…ça devient du maniérisme. Ah, j’oubliais il y a un chien, un vrai.
Avec 20 bonnes minutes de moins et une fumée dispensée avec parcimonie, la pièce serait formidable.
Que cela ne vous empêche pas de la voir.

Au théâtre du Rond-Point, Marie N’Diaye a écrit une pièce
Honneur à notre élue où l’on cherche encore où est le message, une fois sorti. Tout ça pour ça!
Isabelle Carré est maire d’une petit ville de bord de mer. Elle est surtout une élue parfaite: toutes ces décisions sont les bonnes, même son adversaire, Patrick Chesnais reconnait qu’il n’arrive pas à sa hauteur, pire, il l’admire, l’aime peut-être. Mais surtout il n’existe que parce qu’elle existe. Pour se faire enfin élire, il se résigne à lancer une campagne de dénigrement, d’insinuations et même à lui inventer des parents immondes.
La pièce s’ouvre sur une scène longue comme un jour sans pain, où l’on voit dans une télé et sur le fond scène version giga, un film qui montre la fin de la campagne précédente. Cela peut se résumer en 3 voire 4 phrases mais non, ça parle, ça parle… S’enchaîne une suite de scènes avec changements de mobilier à la clé, dans le bureau de la mairie, dans la salle des fêtes, chez l’opposant, chez la maire où débarquent « ses parents »  à la grande surprise de son mari et de ses enfants, (et oui il y a des enfants, des vrais), dans le gymnase…
Cette élue est tellement parfaite dans sa probité qu’elle accepte tel Jésus de tendre l’autre joue, et se fait, tel également Jésus, trahir au chant du coq. Rien à voir a priori avec la réalité…quoique.
So what? Si vous vous attendez à une satire de la vie politique, passez votre chemin. Nous sommes dans une espèce de conte philosphico-mystique où l’élue serait l’Elu, les administrés, la foule libérant Barrabas, …
Quel est le propos? Le bien a besoin du mal, Dieu ne va pas sans le diable, on juge les gens non sur leurs réalisations mais en écoutant les médisances et le fameux dicton « il n’y a pas de fumée sans feu », ..rien de bien neuf, et tout cela empaqueté dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia qui en rajoute. Les comédiens sont parfaits mais on ne peut pas leur demander de changer la pièce.
Marie N’Diaye n’a plus à prouver qu’elle est un écrivain. Elle aime les mots et sait les manier mais les emploie au détriment de la dramaturgie et même de la vraisemblance. Comme disait un monsieur en sortant: « cette pièce est bavarde.  » Il y a trop de mots! Trop de tout. Il y a juste une question que tout le monde se pose et que pose à la fin l’adversaire à l’élue: mais pourquoi avez-vous accepté ces parents que vous savez ne pas être les vôtres? et là, regain d’intérêt du public qui se dit qu’enfin on va nous livrer une vérité première…l’élue se penche vers l »opposant et … lui chuchote à l’oreille! C’est frustrant et facile.
jusqu’au 26 mars.

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