Au théâtre de Paris, La Garçonnière est un spectacle soigné et plein de grâce, au charme désuet. La troupe de comédiens aguerris, emmenée par Guillaume de Tonquedec et Claire Keim, joue tout en finesse. Qu’il est agréable de voir des spectacles ne pas avoir peur d’afficher de nombreux comédiens et de prendre des risques avec des créations comme La Garçonnière mais aussi Edmond, autre succès de l’année, au Palais Royal.
C’était une gageure d’adapter pour la scène le film de Billy Wilder avec Jack Lemmon et Shirley MacLaine. L’esprit du film est gardé grâce à une adaptation intelligente (Judith Elmaleh et Gérald Sibleyras) et une mise en scène brillante (José Paul) mais aussi un décor bluffant et des costumes soignés.
Le rideau s’ouvre sur la musique de Gershwin et sur un superbe décor plein d’imagination où Edouard Laug a su exploiter la hauteur. Par de savants mélanges de silhouettes et de projections d’images, nous naviguons dans les étages des bureaux d’une tour de Manhattan avec son fameux ascenseur d’un côté alors que de l’autre, nous sommes dans la garçonnière de Monsieur Baxter.
Baxter est un employé rigoureux et pas très olé-olé qui prête à ses collègues haut placés son home pour accueillir leur 5 à 7. Ainsi le voilà qui monte les échelons et les étages jusqu’au jour où, le directeur (insupportable et vil à souhait, parfait Jean-Pierre Lorit) lui demande la clé pour inviter une conquête, la jolie liftière Mademoiselle Novak, celle qui justement fait battre son coeur,
Guillaume de Tonquedec, avec toute sa candeur et sa simplicité, incarne Baxter qui va au fil de l’histoire et grâce à l’amour, finir par réveiller ses principes et se comporter en homme « de bien » C’est un comédien rare qui n’en fait jamais trop.Il forme avec Claire Keim, délicate, sensible et drôle, un couple charmant.
Tous les comédiens, et ils sont nombreux, certains incarnent plusieurs personnages, sont tous à leur place. Ni trop ni trop peu, des comédiens, quoi!
Petit coup de chapeau à trois d’entre eux m:
Jacques Fontanel, le voisin médecin, éberlué de voir comment résiste ce surhomme avec autant de femmes qui défilent dans son appartement…
Sophie Letellier, l’épouse méfiante du médecin, qui tire son épingle du jeu dans deux scènes très drôles
Muriel Combeau, la secrétaire éconduite et blessée, sculpturale en jupe crayon, qui venge d’un coup toutes les femmes qui croient encore que les maris quittent leurs épouses…
Nous baignons dans l’atmosphère des années 60 sans que le spectacle fasse vieillot ou dépassé. Certes les déclarations d’amour sont tout en retenue mais c’est justement cela qui fait le charme. Les silences et les temps en suspend sont merveilleusement habités. Et les échanges de « Mademoiselle Novak » et « Monsieur Baxter » sont peut-être d’un autre temps mais cela nous change avec bonheur des « elle est bonne la meuf ».
On sort joyeux en se disant qu’au coin de la rue le bonheur est à portée.
Courrez! (astuce pour payer moins cher, groupez-vous, vous aurez un tarif et si vous choisissez des places de catégorie plus modestes, privilégiez les places de face et pas trop sur les côtés)
Pour vous raconter un peu la cuisine, j’ai failli ne pas pouvoir voir la pièce. Et oui l’attachée de presse qui sévit au théâtre de Paris et à Edouard VII n’invite que les grands médias et méprisent les petites mains. C’est ainsi que bien que le directeur d’Edouard VII termine toujours son discours de présentation de la saison aux journalistes conviés et dont je fais humblement partie par un « bienvenue dans nos théâtres », je ne peux jamais (et je ne suis pas la seule) voir les pièces de son propre théâtre. Et c’est pareil pour le Théâtre de Paris depuis quelques temps où quand on appelle l’administration pour demander si on peut passer autrement que par cette adorable attachée de presse qui nous empêche de faire notre boulot, il est répondu « ben non c’est elle qui fait le tri ». Le tri, quelle classe ! Et bien j’ai eu le plaisir d’interviewer Stéphane Hillel, le directeur, il y a quelques années pour Aligre FM mais c’était avant.
Merci à Sophie qui m’a permis de voir le spectacle.