Je suis en retard. Je n’ai pas encore parlé de quelques bonnes pièces que j’ai vues et appréciées. Deux pièces d’auteur, eeh trois pièces d’auteur, deux dramatiques des années 30 et une comédie 2018 qui amuse pour mieux toucher. Au programme: La Ménagerie de Verre de Tennessee Williams, La Légende d’une Vie de Stefan Zweig et Pourvu qu’il soit heureux. de Laurent Ruquier. Des genres différents pour des histoires de famille qui plongent leurs personnages dans la réalité de la vie alors qu’ils préféreraient l’ignorer.
Au théâtre de Poche, Tennessee Williams s’inspire de sa propre vie pour décrire une famille à la dérive où chacun essaie de survivre à sa façon. C’est beau et désespérant à la fois. J’ai toujours beaucoup aimé cette pièce délicate et sensible qui peut donner aussi à sourire.

Tom a des rêves. Il s’imagine marin au long cours et pour s’échapper de son quotidien gris et sombre, il va au cinéma. Malgré ses rêves il est le seul de la famille à voir la réalité. Sa soeur, handicapée et maladivement timide, est enfermée dans un monde poétique où sa ménagerie de verre , de petits animaux, la réconforte. La mère, elle vit dans son passé, quand elle était une jeune fille courtisée par de riches garçons dans un état du Sud. Aujourd’hui elle survit et n’a qu’un objectif: marier Laura. Alors quand Tom lui parle d’un copain, Jim, elle l’invite, sûre qu’il va épouser sa fille. Quand Jim vient, il fait entrer l’espoir dans la maison, un espoir ténu qui ne repose que sur l’illusion.
Cristiana Réali, a la beauté et l’autorité de la mère enfermée dans son passé, Ophelia Kolb a la fragilité de Laura qui a tant envie de s’entrouvrir à la vie, Charles Templon est vibrant d’espoir, tiraillé entre ses espoirs et des devoirs. La mise en scène de Charlotte Rondelez est sans artifice, laissant toute sa place au jeu et au texte. L’histoire n’a rien de désuet. Les personnages si humains sont d’aujourd’hui avec leurs doutes et leurs choix. Une belle soirée de qualité.
Au théâtre Montparnasse, Stefan Zweig est à l’affiche avec La Légende d’une Vie. Léonor, entretient la flamme de la légende de son mari, écrivain adulé de son vivant par tout un pays. Son fils, Friedrich présente ses propres oeuvres au public mais tous, sa mère en tête, ramènent toujours les choses au père, le grand homme, jusqu’à l’arrivée de Maria (intrigante Macha Méril).

Cette femme, issue du passé, détient des clés qui vont enfin le libérer. Elle va tous les libérer y compris le biographe (Bernard Alane tiraillé) car chacun exceptée la fille (crédible Valentine Galey) vit d’une façon ou d’une autre sous l’emprise d’une légende bien éloignée de la vérité.

Tout est élégant et raffiné y compris la mise en scène de Christophe Lidon, dans cette pièce très écrite où les sentiments et les émotions sont à fleur de peau. Le décor stylisé façon Mondrian, évoque une demeure cossue et cultivée des années 20. Nathalie Dessay incarne avec intensité Léonor dans toutes ses contradictions d’épouse et de vestale. Gaël Giraudeau se révèle merveilleux comédien dans ce rôle de « fils de » dans lequel on veut l’enfermer. Une révélation.


Auteur de nombreuses comédies à succès, Laurent Ruquier sait manier les répliques acérées et efficaces et aborder des thèmes de notre temps. Au théâtre Antoine, il livre avec Pourvu qu’il soit Heureux une pièce personnelle et émouvante qui allie comédie et question de société. Rire n’empêche pas de penser ni de s’interroger.

Claudine et Maxime sont en vacances quand ils découvrent à la une des magazines people, leur fils Camille en galante compagnie. Pas de quoi s’énerver sauf que c’est un homme qu’embrasse leur fils, un comédien connu, marié avec une femme et plus âgé que lui. Comment les parents vont-ils réagir?

Pour éviter le cliché du père qui n’encaisse pas la vérité sur les orientations sexuelles de son enfant, Laurent Ruquier débute par une double exposition du sujet. C’est d’abord le père en colère puis la mère choquée qui passent en revue souvenirs et éducation qui auraient pu provoquer « cela ». Puis vient le temps de la confrontation des parents avec leur enfant. Comment se parler, se comprendre les uns et les autres. Si Claudine (Fanny Cottençon) et Maxime (Francis Huster) doivent s’adapter en découvrant un fils (excellent Louis Le Barazer) qu »ils ne connaissaient pas vraiment ou ne voulaient pas reconnaître, Camille aussi va apprendre à gérer les sentiments de chacun. Surtout que la situation n’est pas aussi claire pour son amoureux qu’il le croit.

Dans une bonne comédie, le drame n’est jamais très loin. Laurent Ruquier évite les clichés en seconde partie et le manichéisme des avis tranchés. La pièce se fait plus émouvante et plus complexe. L’amour serait si simple si …