A la Comédie Française, « La Locandiera« de Goldoni, mise en scène par Alain Françon est un petit bijou. Bijou de comédie d’abord mais la pièce est aussi une satire sociale et une dissection des sentiments exacerbés par la troublante Mirandolina. Une pièce avec un premier rôle de femme libre confrontée à la société qui trouve sa résonance encore aujourd’hui. Une réussite.

Mirandolina est la propriétaire depuis le décès de son père d’une auberge à la très bonne réputation. C’est une femme belle qui chérit sa liberté et fait tourner les têtes, de son serviteur Fabrizio (Laurent Stocker) et de ses clients. L’un, le comte d’Albafiorita met sa fortune en avant tandis que l’autre ne jure que par son rang. « Je suis ce que je suis » aime à répéter le marquis de Forlipopoli totalement désargenté. Mirandolina accepte compliments et cadeaux contrainte et forcée pour ne pas les fâcher… bien sûr. Fine mouche, elle garde ses distances. Mais voici que le chevalier de Ripafratta, ennemi des femmes déclaré, vient humilier l’aubergiste. Elle se jure de le faire changer d’avis et n’aura de cesse qu’il succombe à ses charmes et à sa personnalité. Mais le jeu peut être dangereux pour une femme seule dans un monde d’hommes.

Alain Françon souligne dans sa mise en scène la dimension sociale de la pièce sans pour autant oublier la comédie grâce au jeu moderne et subtile des comédiens. Les personnages ne sont ni blancs ni noirs, ils sont humains. On rit aux échanges du comte (Hervé Pierre) et du marquis (Michel Vuillermoz), aux pièges de Mirandolina et aux soupirs de Fabrizio. Mais nous ressentons aussi parfaitement les tourments et les faiblesses de chacun qui vont à leur manière évoluer au fil de l’histoire. Stéphane Varupenne passe avec conviction de l’orgueilleux sûr de lui au pauvre homme désespéré piégé.

Tout est réussi: du décor stylisé dont les changements se font à l’abri d’un rideau-mur qui délimite un couloir où les personnages se confient, jusqu’à la musique mélancolique. La troupe est brillante avec en tête Florence Viala qui offre toute la palette de son jeu, jusqu’à Noam Morgensztern en valet du chevalier amoureux de la patronne qui nous fait rire à chacune de ses quelques répliques.
Un beau spectacle qui peut être vu en famille. Dépêchez-vous, la location est déjà complète sur certaines dates. Jusqu’au 10 février.