La famille est un thème infini qui évolue (soi-disant) au fil des époques. Disputes, jalousie et amour, s’entrecroisent aussi bien dans la comédie que dans le drame. La rentrée 2019 nous propose quelques spécimens.
Dans Le lien de François Bégaudeau au théâtre Montparnasse, une mère reçoit son fils à déjeuner. Classique? Si ce n’est que le fils est un écrivain plutôt intello tout comme l’auteur et raisonne énormément. La pièce est un duo de mots entre l’exceptionnelle Catherine Hiégel et le déchiré Pierre Palmade. Trop de mots peut-être… pas assez de silences, sûrement.
Dans la salle Réjane du théâtre de Paris, Localement agité d’Arnaud Bedouet voit une fratrie désunie essayer de satisfaire les dernières volontés du père décédé un an auparavant en Bretagne. C’est une jolie comédie plaisante qui sent la marée, entre déchirements et secrets de famille.

Le lien entre mère et fils est indéfectible. C’est ce qu’écrit François Bégaudeau dans la pièce Le Lien. Car quelque soit les griefs, les incompréhensions et les blessures, l’amour viscéral reste. Pour la mère, c’est suffisant. Que son fils soit un écrivain ou autre chose, qu’elle lise ou non ses livres, c’est son petit. Pour la vie. Le fils aimerait qu’elle le voie en adulte, en auteur reconnu, qu’elle lui parle de lui, lui pose des questions sur lui, le reconnaisse enfin. Réagit-il en enfant centré sur lui-même ou en adulte frustré? Chacun attend quelque chose de l’autre qu’il ne peut lui donner.
Ce qu’elle dit n’intéresse pas le fils. Elle parle, elle parle de son quotidien, de la fromagerie du Carrefour qui a fermé. Il aimerait tant qu’elle lui demande comment s’est passé la signature de son dernier livre. Et la mère aussi aimerait qu’il vienne plus souvent, qu’il lui accorde un peu plus d’attention. Le rapport est tendu jusqu’à l’arrivée de l’amie de la famille qui apporte enfin de la vie et rompt le face à face maintes fois joué. Je ne suis pas contre l’épure et la suggestion pour le décor mais pour installer une atmosphère, les accessoires servent. Rien sur un plateau n’aide pas à entrer dans l’intimité de cette famille. A voir pour ses comédiens.

A la salle Réjane, la scène est transformée en plage bretonne par temps Localement agité. Ce n’est pas que le vent souffle beaucoup dehors. Au contraire toute la famille l’attend pour pouvoir enfin éparpiller les cendres du père décédé un an auparavant. Mais dans la maison, les esprits s’échauffent entre les 3 frères, la soeur et la belle-soeur et même avec le père disparu qui a marqué chacun de sa personnalité.

L’un a réussi (Thierry Frémont), loin du père. Cavaleur, sa femme vient de le larguer. Il passe son temps à essayer de trouver du réseau grimpé sur un rocher pour l’appeler. Un autre (Arnaud Bédouet, l’auteur) est le gardien du temple. Il vit dans la maison du père sans rien y changer tout en oubliant de vivre sa vie.

Le plus jeune (Guillaume Pottier) s’embarque toujours dans des entreprises douteuses qui invariablement ratent. La belle-soeur (Lisa Martino) récemment séparée du 3e frère, Nicolas Vaude, est venue en mémoire de son beau-père, qu’elle admirait. Son ex-mari, éditeur, provocateur et buveur, est à la dérive. Il n’a d’existence dans la profession que parce que son père a publié des oeuvres majeures.
La soeur (Anne Loiret), dépositaire de secrets de famille, essaye d’exister. Aucun n’est à l’unisson, pas même en chantant les paroles d’une chanson d’enfance. La révélation de vérités venues d’outre-tombe, les ressoudera ou les séparera?

Arnaud Bédouet a écrit une pièce plaisante où la vie est présente. On se retrouve dans ces disputes de famille où les blessures d’enfance se rejouent à l’âge adulte. Pour le meilleur, peut-être.