Normal qu’un nouveau directeur veuille imprimer son empreinte. Mais était-ce bien nécessaire de changer logo, charte graphique,…sur tous les supports imprimés ou web, au prix que ça coûte, dans le contexte économique où nous sommes… je me demande. Je me réjouis que l’argent public aille à la création mais pas forcément à ses à-côtes surtout quand cela n’est pas indispensable. Il est vrai que la saison est sponsorisée (oups que dis-je), des mécènes sont venus à la rescousse, en la personne de Mr Pierre Bergé, d’Axa France et Dailymotion.
Plus de trompettes martiales et cérémonieuses en même temps que sympathiques pour annoncer le début du spectacle, spectateur t’as qu’à être à l’heure! Les annonces sont maintenant en français puis en anglais. On croit rêver. Je pense que la personne assise derrière moi ne devait comprendre ni le français ni l’anglais car son téléphone a sonné pendant la représentation…
Je ne résiste pas à vous livrer l’éditorial du nouveau directeur de l’Odéon. J’hésite entre prétention et suffisance…pour le texte. L’homme je ne le connais pas. A moins que ce soit de la naïveté.
Première partie, la plus croquignolette à mon goût:
« On me demande souvent quel est mon projet pour l’Odéon. On se demande parfois qui je suis. À la seconde de ces questions – qu’au cours de mon existence je me suis posée plus d’une fois – je n’apporterai sans doute qu’une réponse confuse…
ben je ne voudrais pas le désillusionner mais tout le monde s’en fiche…on a envie de répondre: je ne suis qu’un homme, rien qu’un homme. Et bien le directeur répond un truc beaucoup plus original, je l’admets: c’est un arbre.
Je me figure assez semblable à un figuier banian aux multiples racines : les miennes plongent dans autant de pays que ma main compte de doigts. Tous sont d’Europe.
et là attention, munissez-vous, frères et soeurs incultes, d’un dico voire d’une encyclopédie. Heureusement internet est là.
Je suis né de cette Mitteleuropa qui doit son visage aux livres autant qu’aux cartes et aux guides. Elle est d’hier et d’aujourd’hui. Elle est imaginaire : Horváth y est le voisin de Handke, Fassbinder y croise le chemin de Gombrowicz. Elle est réelle : Joseph Roth y écrivait âprement à Stefan Zweig qu’il manquait d’argent ; mon grand-père serrait la main à un certain Docteur Kafka dans les bureaux de la compagnie d’assurance qui l’employait, dans une ville où l’on pouvait créer le même soir des oeuvres de Hoffmansthal, Sternheim, Schnitzler. Je suis de cette Prague, et de la Vienne de Preminger, du Berlin de Lubitsch et d’Ophuls, de Budapest où vécut ma grand-mère maternelle…
Bref, le roi n’est pas son cousin.
À des titres divers, tous ces artistes, et leurs pays, pensent en moi,
Non? Ca en fait du peuple. Entendrait-il des voix?
curieux et singuliers dibbouks s’exprimant chacun dans le temps qui lui appartient et dans la langue qui lui est propre, se contredisant ou se complétant plus qu’ils ne se mêlent (bien que profondément opposé à toute forme de nationalisme étroit, je ne parle pas espéranto et ne me suis jamais trop fié à ce que l’on nomme communément le « multiculturalisme »).
Je suis cool, je vous livre la définition wkipédia de « dibbouks » que vous devriez connaitre bande de nuls: Un dibbouk ou dybbouk (plusieurs graphies existent à partir de l’hébreu דיבוק signifiant « attachement ») est, dans la mythologie juive et kaballistique de l’Europe de l’Est, un esprit ou un démon qui habite le corps d’un individu auquel il reste attaché. Un dibbouk peut être exorcisé.
Le matin, quand je me réveille, je ne sais jamais dans quelle langue je prononcerai les premiers mots de ma journée, pas plus que dans quelle langue j’ai rêvé.
waouh… je comprends mieux pourquoi dorénavant les annonces sont en anglais aussi. Bientôt on va se les coltiner dans toutes les langues européennes connues.
Seconde partie qui répond à la première question…
À la première question, je réponds que mon projet pour l’Odéon est d’y faire du théâtre.
On est rassuré. On se disait justement qu’on allait y faire du tricot.
Cela ne va pas forcément de soi. Je crois aux textes, je fais confiance aux acteurs et je souhaite inviter des metteurs en scène dont je puisse être jaloux.Au risque de provoquer un étonnement plus grand encore,
Mais non, mais non…on s’attend à tout.
je dirais que mon projet pour l’Odéon est d’y faire et d’y présenter un théâtre européen. Européen au sens large, dans le temps comme dans l’espace, sachant s’ouvrir et se tourner vers l’avenir. Dans cette première saison, le XXe siècle domine largement, et le XXIe n’est pas oublié – certaines des créations que nous présentons viennent à peine de trouver leur titre, et à l’heure où j’écris, l’une d’entre elles n’en a toujours pas. J’ai toujours aimé et accompagné les écritures contemporaines. L’Europe à laquelle je crois et à laquelle je souhaite appartenir, cette Europe du théâtre que l’Odéon, depuis Giorgio Strehler, porte gravée sur son fronton, doit tourner ses regards vers l’avant.
Certes, c’est nouveau comme concept.
L’Odéon auquel je vous convie se déterminera, avant toute frontière politique et géographique, par des aventures que je souhaite exceptionnelles, qui puissent nous raconter des histoires et nous chanter des chants dans des langues qui nous sont inconnues. La magie du théâtre est là, dans sa capacité à cerner de tels secrets, à travers des formes et des mots inventés par des artistes.
Mon désir est artisanal : approcher le cœur vivant des hommes et partager avec vous la fête de l’instant. »
Voilà, enfin une vérité vraie. Personnellement je l’aurais mis au début. j’aurais même mis que ça, c’était suffisant.