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La Collection: quand la vérité est floue

A la salle Réjane du théâtre de Paris, Sara Martins, Nicolas Vaude, Davy Sardou et Thierry Godard, se glissent dans le monde opaque de Harold Pinter, prix Nobel de Littérature avec La Collection. La mise en scène minutieuse de Thierry Harcourt qui connait bien l’univers british, laisse la place aux silences, aux nuances, aux regards et à l’interprétation des situations. Un régal pour ceux qui aiment le flou…

Une scène divisée en deux appartements qui quelquefois n’en font qu’un, une cabine téléphonique dans la salle et 4 comédiens qui jouent avec les mots et surtout avec les silences et ce qui se cache derrière les non-dits.
Un homme appelle en pleine nuit Bill, jeune styliste qui vit dans une maison avec Harry, plus âgé. Il ne donne pas son nom. Il rappellera. Quand il rappelle, il ne donne toujours pas son nom mais dit qu’il va venir.

Bill s’en va. Harry reçoit James qui reviendra quand Bill sera là. James aimerait savoir si Bill est allé à Leeds dans un hôtel où il aurait rencontré sa femme. Il ne lui pose pas la question, il le sait. Mais Bill nie… un moment, il l’a bien vue mais sa version est différente de celle de Stella, la femme séduisante de James. James doute et Harry s’agace. Mais tout le monde reste bien élevé comme dans tout monde bourgeois qui se respecte.

Pinter nous emmène, nous trimbale, nous égare, dans les circonvolutions des joutes verbales et des silences. James inquiète autant qu’il peut faire sourire dans sa quête de la vérité. Mais la cherche-t-il vraiment?

Le fond du décor est une toile peinte qui esquisse les objets et les meubles comme les fils blancs tracent les lignes sur un tissu. Cela s’accorde bien au titre de la pièce qui fait référence à la présentation de la collection de Bill, styliste. Dans la mode on dit flou pour désigner la technique de couture des vêtements souples. Voilà qui s’accorde encore mieux. Rien n’est vrai et tout est possible. Sara Martins, Stella, ne dévoile rien de son mystère tout en jouant de son charme. Si Davy Sardou et Thierry Godard sont parfaits d’ambiguïté, Nicolas Vaude est à l’aise comme un poisson dans l’eau trouble dans l’univers énigmatique de Pinter. Une jolie façon de se familiariser avec Pinter.

Inconnu à cette Adresse au Théâtre Antoine: 3e distribution

Inconnu à cette Adresse est un chef  d’oeuvre d’écriture sur les tours et détours de l’âme humaine. En avril, Nicolas Vaude et Thierry Frémont, font vivre les deux personnages de ce roman épistolaire dans la lecture jouée, dirigée par Delphine de Malherbe. Ils incarnent avec chair et sentiments Martin, l’allemand libéral subjugué par Hitler et Max, le juif épris de justice désespéré et vengeur.

Depuis Janvier, plusieurs distributions se succèdent sur la scène du Théâtre Antoinepour la lecture du roman de Kressmann Taylor. Après Darmon/Pinon, Timsitt/ Lhermitte, les lettres que s’échangent Martin l’allemand revenu au pays en 1932 après avoir monté une galerie prospère avec son ami, Max, le juif resté à San Francisco, sont lues par Thierry Frémont et Nicolas Vaude .

Martin, peu à peu, va se laisser gagner par les idées d’Hitler et la croyance en une Allemagne conquérante. Pour lui, la fin justifie les moyens même si ces moyens causent des exactions contre les juifs et la liberté de penser. Martin n’est pas un homme raciste, ce n’est pas un mauvais homme, au début.
Le livre montre toute la subtilité de son évolution qui va l’amener à sa perte.Max, horrifié par ce que deviendra son « ami », imaginera une vengeance implacable poussé par tant de haine.
La mise en scène fait oublier que nous assistons à une lecture. Chacun évolue dans un espace bien défini et bien différent. Un bureau, années 30 pour l’américain, un guéridon anglais ancien pour l’allemand qui a acheté un château de 30 pièces de retour dans son pays. Chacun est habillé d’un costume qui fait écho à l’époque.
Avec peu d’éléments, nous sommes en spectateurs presque voyeurs, témoin de leurs joutes et du plan machiavélique qui se déroule.Peut-être ne connaissez-vous que de nom ces acteurs certes moins médiatiques que les précédents, mais les mots de cette histoire, n’ont pas besoin de notoriété mais de comédiens sensibles, investis et fins.
Nicolas Vaude et Thierry Frémont devaient jouer en février et leur duo a été décalé à avril suite à un malaise de Thierry Frémont aujourd’hui parfaitement remis. Il aurait été dommage de ne pas les voir, ils sont parfaits dans leurs rôles. Comme disait un spectateur du 3e rang : « ce sont les meilleurs de la série. » Je souscris. Allez-y !