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Rentrée théâtrale: de belles créations

Deux comédies de moeurs, deux pièces qui évoquent les relations humaines et surtout l’amour dont on ne peut se passer. 10 ans après salle Réjane et Une histoire d’amour à La Scala, divertissent et touchent les spectateurs.

Au théâtre de Paris, salle Réjane, l’écrivain Daniel Foenkinos a écrit une pièce habile qui ne se dévoile qu’à la toute fin, révélant son vrai sujet: comment survivre sans amour.

Un écrivain, Yves, reçoit son meilleur ami, Pierre, qu’il n’ a pas revu depuis 10 ans. Et pour cause, son épouse était la compagne 10 ans plus tôt de son meilleur ami. Yves a une idée derrière la tête. Sa vie conjugale est devenue trop paisible à son goût. et il aimerait bien quitter sa femme mais il ne sait pas comment. Alors il a prévu d’annoncer au dessert à son épouse qu’il la quitte. Ainsi Pierre qui est toujours amoureux, atténuera le choc de la séparation. Le dîner risque de durer…

La pièce débute comme un marivaudage moderne. Julien Boisselier, cynique à souhait, est un écrivain qui n’écrit plus une ligne, lassé d’une vie conjugale « paisible ». Bruno Solo, son meilleur ami est un amoureux transi à la vie un peu terne: « Je n’ai jamais été à la mode, je suis assureur » et solitaire: »On vieillit plus vite quand on est seul ».
Les joutes verbales des deux amis sont ciselées et percutantes. Mélanie Page, LA femme, est l’archétype d’une femme parfaite, à la belle plastique et à l’humeur toujours égale.

David Foenkinos a écrit et mis en scène, une histoire d’aujourd’hui plus profonde qu’elle n’en a l’air. La surprise finale dévoile le vrai sujet. . Belle pièce divertissante, bien écrite et parfaitement construite. Un régal.

A La Scala, Alexis Michalik donne sa dernière pièce, Une histoire d’amour. Katia, cabossée par la vie drague Justine qui aime les hommes. Mais l’amour se fraye toujours un chemin, et les deux femmes tombent amoureuses.Justine veut un enfant, Katia hésite. Malgré son enfance chaotique avec son frère devenu écrivain alcoolique et veuf, elle accepte. La romance tourne court quand Justine la quitte. Un enfant naît. Les années passent et la vie ne fait toujours pas de cadeau à Katia. Quel espoir reste-t-il?

Raconté comme ça, cela fait un peu Cosette au pays Michalik. Et bien c’est un peu ça mais grâce aux répliques et à la mise en scène ultra fluide qui nous fait passer d’une scène à l’autre en deux meubles amenés et enlevés en deux temps trois mouvements, la pièce s’écoule sans heurt.

On reste focalisé sur l’humanité des personnages et les dialogues pleins d’humour et de sincérité. De toutes les épreuves surmontées, l’amour reviendra et la vie reprendra son chemin.



J’aime beaucoup cette pièce qui nous embarque grâce à la qualité des comédiens et à la mise en scène magique, marque de fabrique de Michalik!

On aurait pu éviter le passage aux toilettes mais c’est à la mode de montrer les fesses des comédiens. Alors…

La Collection: quand la vérité est floue

A la salle Réjane du théâtre de Paris, Sara Martins, Nicolas Vaude, Davy Sardou et Thierry Godard, se glissent dans le monde opaque de Harold Pinter, prix Nobel de Littérature avec La Collection. La mise en scène minutieuse de Thierry Harcourt qui connait bien l’univers british, laisse la place aux silences, aux nuances, aux regards et à l’interprétation des situations. Un régal pour ceux qui aiment le flou…

Une scène divisée en deux appartements qui quelquefois n’en font qu’un, une cabine téléphonique dans la salle et 4 comédiens qui jouent avec les mots et surtout avec les silences et ce qui se cache derrière les non-dits.
Un homme appelle en pleine nuit Bill, jeune styliste qui vit dans une maison avec Harry, plus âgé. Il ne donne pas son nom. Il rappellera. Quand il rappelle, il ne donne toujours pas son nom mais dit qu’il va venir.

Bill s’en va. Harry reçoit James qui reviendra quand Bill sera là. James aimerait savoir si Bill est allé à Leeds dans un hôtel où il aurait rencontré sa femme. Il ne lui pose pas la question, il le sait. Mais Bill nie… un moment, il l’a bien vue mais sa version est différente de celle de Stella, la femme séduisante de James. James doute et Harry s’agace. Mais tout le monde reste bien élevé comme dans tout monde bourgeois qui se respecte.

Pinter nous emmène, nous trimbale, nous égare, dans les circonvolutions des joutes verbales et des silences. James inquiète autant qu’il peut faire sourire dans sa quête de la vérité. Mais la cherche-t-il vraiment?

Le fond du décor est une toile peinte qui esquisse les objets et les meubles comme les fils blancs tracent les lignes sur un tissu. Cela s’accorde bien au titre de la pièce qui fait référence à la présentation de la collection de Bill, styliste. Dans la mode on dit flou pour désigner la technique de couture des vêtements souples. Voilà qui s’accorde encore mieux. Rien n’est vrai et tout est possible. Sara Martins, Stella, ne dévoile rien de son mystère tout en jouant de son charme. Si Davy Sardou et Thierry Godard sont parfaits d’ambiguïté, Nicolas Vaude est à l’aise comme un poisson dans l’eau trouble dans l’univers énigmatique de Pinter. Une jolie façon de se familiariser avec Pinter.